Je vous invite à lire ce reportage sur les découvertes faites lors des récentes fouilles archéologiques à Chateauguay. Entre autres, il y a une pièce de monnaie où on peut lire clairement la date 1593.
![Image](http://www.numicanada.com/forum/class/test/DouzainHenriIV_1593.jpeg)
Le reportage de Marie-Laure Josselin est sur le site web de Radio-Canada:
http://ici.radio-canada.ca/regions/Mont ... erte.shtml
L'archéologue Geneviève Treyvaud raconte que « C'est un alliage de cuivre, d'argent et un peu de plomb, des pièces frappées en France. C'était une monnaie un peu en parallèle de la monnaie française, faite par les protestants pendant la guerre de religion ».
Sans vouloir dénigrer qui que ce soit - car ces découvertes sont tout à fait extraordinaires - j'en arrive à une autre conclusion concernant cette pièce de 1593. Je ne suis pas un numismate expert des pièces du temps de la Nouvelle-France et encore moins un historien de la monnaie royale française. Par contre, j'ai fait plusieurs recherches sur plusieurs personnages, dont quelques uns sont mes ancêtres, qui ont gravité à cette époque dans l'entourage d'un roi de France. Chez les plus fortunés, j'ai été confronté à analyser et à comprendre le système monétaire français parce que leurs transactions étaient faites dans la monnaie en vigueur. À ma connaissance, cette pièce datée de 1593 a une histoire différente mais qui est aussi intéressante que celle de la guerre des religions.
Cette pièce a été frappée alors qu'Henri IV était roi de France. C'est une pièce de 12 deniers, qu'on appelle aussi "douzain", qui est assez facile à trouver chez les marchands et les numismates français. Il y a plusieurs variétés du douzain de 1593 parce que cette pièce a été frappée dans plus d'un atelier. L'intérêt de cette pièce vient surtout de la contremarque d'une fleur de lys dans un ovale perlé. Cette marque a été ajoutée lors de la refonte du système monétaire royal qui a été faite suite à un édit du roi Louis XIII en 1640. Il était le fils d'Henri IV et le père de Louis XIV. Les pièces frappées au temps d'Henri IV et qui étaient toujours en circulation au temps de Louis XIII n'avaient pas le poids en argent des nouvelles pièces. Cette contremarque sur les pièces de 12 deniers signifiait que ces pièces vaudraient dorénavant 15 deniers. Il y a eu d'autres contremarques faites plus tard sous le règne de Louis XIV et certaines marques ont été associées aux colonies françaises du Canada, de l'Acadie et de la Louisiane. De notre côté de l'Atlantique, les gens étaient très méfiants face à ces pièces contremarquées et elles n'était pas très populaires en Nouvelle-France au point que la plupart de ces pièces ont été retournées en France.
Cette pièce ne peut donc pas être arrivée ici avant 1640. Elle a pu voyager jusqu'ici bien après 1640 parce que cette pièce contremarquée a été en vigueur très longtemps en France malgré qu'elle fut impopulaire dans les colonies. L'artisan de la refonte du système monétaire du Roi de France en 1640 était Claude de Bullion. Il est décédé à la fin de l'année 1640 mais il avait eu le temps de mettre en place un système de placements refuge basé sur l'or. Ce système est, pour ainsi dire, l'ancêtre des bourses où les gens spéculent sur la valeur d'un titre financier. C'est aussi le début des valeurs refuge qui reposent sur des métaux comme l'or et l'argent. Claude de Bullion a été celui qui a introduit le Louis d'Or de Louis XIII et qui a manipulé la valeur des monnaies de circulation afin que son roi en tire profit.
Pendant que Claude de Bullion s'affairait à la richesse de son roi, son épouse Angélique Faure, femme de petite noblesse ou bourgeoise, s'occupait principalement de sa famille. À la mort de son mari en 1640, Angélique hérita de sa fortune. Angélique Faure, dame de Bullion, utilisa une partie de sa fortune pour appuyer des causes qui lui étaient chères. Une de ces causes était celle d'une certaine Jeanne Mance qui a quitté sa France natale pour la Nouvelle-France au printemps 1641. Le printemps suivant Jeanne Mance était parmi un petit groupe de personnes qui, avec Paul Chomedey de Maisonneuve, allaient fonder Montréal. C'est d'ailleurs en l'honneur d'Angélique Faure qu'une rue de Montréal porte le nom "De Bullion".
Étant contemporaine aux fondateurs de Montréal, cette pièce est sans doute l'une des très rares pièces de cette époque à être retrouvées ici. On peut certes en trouver des plus belles en France pour moins de 100$ mais celle-ci a une histoire que nous découvrirons avec les autres items trouvés pendant les fouilles. Il y avait aussi une pièce datée de 1628 mais le reportage n'en dit rien de plus.